Ayant récemment eu la chance d’être interviewé (podcast) sur le sujet du webanalytics en Chine par Renaud-Edouard Barraud (CEO Atelier BNP Paribas / Shanghai) dans le cadre de l’émission l’atelier numérique du 23 février 2013, je  souhaitais détailler un peu plus sur ce blog les quelques points évoqués et donner quelques références complémentaires.

L’interview portait sur le webanalytics et plus particulièrement Google Analytics en Chine. En effet si Google Analytics est aujourd’hui l’outil de mesure site centric leader au niveau mondial, les outils Google sont en Chine impactés par le « great firewall » chinois. Le « great firewall » chinois permet au gouvernement de maîtriser l’accès qu’il est possible d’avoir aux sites extérieurs à la Chine. C’est pourquoi nous avons tous en tant qu’étrangers des VPN (Virtual Private Network) pour accéder aux sites censurés en Chine comme Facebook ou Twitter. Donc soyons clair, l’impact du great firewall n’est pas uniquement sur Google mais sur potentiellement tous les sites qui ne disposent pas de serveurs en Chine soit parce qu’ils ne le veulent pas soit parce qu’ils ne le peuvent pas.

Comme Google et la chine ce n’est pas vraiment une histoire d’amour, on peut dire sans trop se tromper que les outils Google sont plus impactés que les autres par cette restriction d’accès et donc Google Analytics aussi.

De mon expérience d’un an maintenant avec la Chine, j’ai pu vivre la période de plus forte restriction en novembre lors du 18ème congrés du parti communiste et l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. C’était une horreur et le résultat sur les données dans Google Analytics est très clair comme vous pouvez le voir ci-dessous (tiré de l’article china blocks google analytics – are you affected ? de l’excellent Caleb Whitmore d’AnalyticsPros)

impact du great firewall sur Google Analytics pendant le congrès du parti communiste

Au-delà de la perte de données, vous avez dans ces périodes un accès à l’outil qui est rendu très difficile voire à certains moments impossibles !

Je perds des données, au secours !

On voit clairement que l’impact existe et peut être très fort mais nous devons aussi prendre en compte à minima :

  • que cet impact n’est pas tout le temps aussi fort
  • qu’il n’impacte pas seulement Google Analytics mais potentiellement tous les sites hors de chine donc potentiellement tous les outils qui ne sont pas localisés
  • qu’il faut se rappeler qu’on ne peut pas collecter 100% des données avec un outil fonctionnant sur la base de tags. Combien perdez-vous déjà de données avec les utilisateurs qui n’acceptent pas les cookies en plus de la perte « technique » initiale ?
  • que les données analytics ne sont pas la réalité mais la représentent (par exemple utilisant un VPN qui m’identifie en Corée, je suis identifié actuellement sur l’ensemble des sites que je visite comme un utilisateur coréen… et ce n’est pas la réalité)

La question ici est donc d’étudier si la perte de données peut-être mesurée pour permettre aux clients de choisir en connaissance de cause si cette perte est trop impactante et si le risque de pics de blocage comme en novembre sont acceptables ou non. Avec une mesure, on pourra alors identifier les journées à retirer de l’analyse et s’adapter.

L’accès à Google Analytics

Oui l’accès à l’outil n’est pas aussi aisé que dans nos pays et le fait de ne pas pouvoir accéder à l’outil pendant un certain temps est pénalisant. Mais cette pénalité n’est pas suffisante pour forcément aboutir à la conclusion que l’outil n’est pas utilisable. Des questions de la sorte peuvent se poser par exemple pour valider l’impact :

  • ai-je besoin d’avoir accès à des données temps réels ?
  • puis-je me prémunir d’une problématique d’accès aux données en mode SAAS ?
  • si oui, sur quelle partie de mes données ?
  • Etc..

Pour la réponse aux derniers points Google Analytics comme les autres outils permet de recevoir des rapports par email, que ce soit des rapports standards ou personnalisés. En ayant ces rapports de configurés avec envoi par email, on peut penser que l’on peut limiter le risque de ne pas visualiser du tout les données cruciales pendant un temps long. Bien sûr on évitera de se faire envoyer les emails sur Gmail…

Quelles alternatives ?

Utiliser Baidu Analytics qui ne dispose pas du même ensemble de fonctionnalités (un comparatif sera bientôt réalisé sur ce blog) et qui pose lui aussi des questions sur la qualité de la donnée. Nous entendons souvent de la part de nos clients la problématique d’avoir Google qui peut être juge et partie. Avec Baïdu Analytics cela serait totalement le cas dans un pays et une culture qui n’est pas la vôtre. Est-ce que cela augmente votre niveau de confiance dans la donnée ? Vous pouvez toujours mettre en place un double tracking mais vous devrez alors faire attention à l’impact sur la vitesse de votre site dans un pays où le réseau est d’une qualité beaucoup plus faible que dans nos standards occidentaux.

Utiliser un outil payant qui a des serveurs localisés en Chine (et vous devrez vous demander ce que vous considérez comme chine. Hong Kong y compris ou juste la chine intérieure ?). Vous aurez ici un coût d’utilisation de l’outil à supporter et il faudra bien valider que ce coût en vaut la peine. Si c’est le cas, il ne faut pas hésiter mais il faut regarder les problèmes en face et ne pas fonctionner dogmatiquement. Restez rationnels !

La Chine pourra-t-elle continuer de la sorte ?

C’est une question que nous pouvons nous poser. Le développement du e-commerce est un vrai enjeu pour la Chine, prenant part dans le développement absolument nécessaire de sa consommation intérieure (le sujet de la consommation intérieure chinoise pourrait faire d’ailleurs l’objet de nombreuses discussions). Pourra-t-elle imposer dans le domaine du webanalytics un champion (baïdu analytics par exemple) comme dans l’ensemble des autres domaines alors même que cet outil n’a que très peu de chance d’être déployé dans l’ensemble des pays par les marques internationales ? Pourra-t-elle pénaliser potentiellement la croissance des investissements de demain par une mauvaise mesure ?

Au-delà de l’e-commerce, la capacité des entreprises à travailler efficacement en Chine est un point à ne pas négliger. Comme abordé dans l’article « the internet nightmare for businesses citant Shaun Rein » : quel sera l’impact sur la manière dont les entreprises investiront en Chine si cela ne s’améliore pas ?

L’adaptation à la chine

En conclusion, l’adaptation reste le maître mot dans le domaine de l’anaytics comme dans les autres domaines quand on a une stratégie chine. Cette adaptation passe par la compréhension et ne doit pas amener à des décisions qui seraient dogmatiques du type « google analytics ne fonctionne pas » ! Mais aussi, je reste persuadé qu’à certains égards la Chine devra aussi parfois un peu s’adapter si elle ne veut pas pénaliser ses propres intérêts.

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2 Responses to Google Analytics et la chine: toute une histoire !

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